31 janvier 2008

Méditation

en attendant la sortie de Tulà, j'ai donc remis le nez dans Moby Dick dont j'ai dégotté une édition intégrale (celle que j'avais était révisée et coupée). Quel texte ! au fil des pages je me rends compte à quel point je suis handicapée par ces auteurs hors norme. Je pèche en aimant Meyrinck ou Melville, je sais, mais je me sens proche d'eux bien qu'hélas je me rende compte, de plus en plus, qu'on ne peut plus écrire comme cela. Moby Dick, par exemple, quel roman extraordinaire - je ne parle pas de l'histoire elle-même, on sait combien elle est forte - Sa structure a beau être chaotique, lourde, lyrique, "prêcheuse", encyclopédique, théâtrale, passant d'une longue narration à la première personne à des scènes qui ressemblent à des pièces de théâtre ou à une comédie musicale, des disgressions de l'auteur et des changements de points de vue surréalistes (voix intérieures), sans parler des moments où l'auteur met son narrateur de côté pour apostropher lui-même le lecteur... eh bien pour lourd qu'il puisse paraître il reste envoûtant, lancinant au bon sens du terme (= le lent, long et inexorable cheminement du capitaine Achab, et de son navire sur l'océan), avec des morceaux d'anthologie à toutes les pages. Je ne comprends pas le cheminement mental de l'auteur, et je pense qu'aujourd'hui le roman ne passerait aucun comité de lecture. D'ailleurs, je crois qu'il n'est plus lu, entré dans le cortège des titres connus de tous, décorant les bibliothèques mais que personne n'a lus.

Handicapée, disais-je, parce que j'ai toujours aimé ces textes, les préférant aux romans dits "efficaces" actuels qui me font bailler parce qu'ils manquent de substance et de sens (je vais dire ça comme ça). C'est vrai qu'ils se méritent un peu, mais Diable! Achab, Starbuck et les autres, on aurait pu en faire un roman plus court et plus vif, avec un phrasé moins ampoulé, moins emphatique, mais il ne serait plus qu'un roman d'aventure sur la chasse à la baleine avec une fin connue d'avance. Bien souvent, je le remarque, les histoires les plus fortes reposent sur autre chose que "l'histoire"... Je veux dire que si on résume cette dernière il semble ne pas se passer grand chose, voire cela n'a rien de passionnant. Mais la façon dont c'est raconté, la musique du texte, les interlignes...

Ce que je me demande en ce moment, c'est où réside la magie, le secret de ce type de roman mythique pour moi. A froid, au premier degré, il est évident que Melville en fait trop, qu'il s'écoute, et même qu'il se fiche complètement de perdre ses lecteurs en route. Et cependant, ça marche. Par exemple, il faut attendre pas moins de 150 pages pour qu'Achab apparaisse et qu'on aborde le coeur de l'histoire. Moby Dick ? p 267 pour être évoquée et que la chasse commence. Et cependant, je ne me suis pas ennuyée en lisant la trentaine de chapitres précédents (bon, j'ai sauté l'encyclopédie sur les cétacés, et la composition des baleiniers). Je ne trouve pas la réponse. Je sais que je n'écrirais pas les choses ainsi, estimant qu'une belle phrase de temps en temps suffit, sinon tout est noyé dans un brouhaha épouvantable. Néanmoins, je lis Melville à voix basse, murmurant comme un long poème en prose et il m'envoûte.

c'est grave docteur ?

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